samedi 7 mai 2016

Le goût des pépins de pomme - Katharina Hagena

GENRE : Roman
ANNÉE : 2010
PAYS : Allemagne
NOMBRE DE PAGES : 267

Résumé :   

À la mort de Bertha, ses trois filles, Inga, Harriet et Christa, et sa petite-fille, Iris, la narratrice, se retrouvent dans leur maison de famille, à Bootshaven, dans le nord de l’Allemagne, pour la lecture du testament. A sa grande surprise, Iris hérite de la maison et doit décider en quelques jours de ce qu’elle va en faire. Bibliothécaire à Fribourg, elle n’envisage pas, dans un premier temps, de la conserver. Mais, à mesure qu’elle redécouvre chaque pièce, chaque parcelle du merveilleux jardin qui l’entoure, ses souvenirs se réveillent, reconstituant l’histoire émouvante, parfois rocambolesque, mais essentiellement tragique, de trois générations de femmes.

Mon avis :
Le résumé est très alléchant, les premières pages aussi. Puis ça retombe comme un soufflé...
Le sujet des souvenirs, beau sujet s'il en est, est traité de manière ennuyeuse. N'y allons pas par quatre chemins, ce livre est d'un ennui profond. Repris pour ma part à deux reprises, j'ai eu énormément de mal à en venir à bout, un peu comme un supplice, un doux supplice certes mais un supplice quand même... Pourtant ce roman avait vraiment tout pour me plaire : le thème des souvenirs et de l'Alzheimer sont des sujets qui me parlent et que j'aime retrouver dans les livres que je lis. Mais rien à faire, la sauce ne prend pas. On s'ennuie autant que la narratrice dans ce roman qui ne décolle pas.
Les seuls moments intéressants sont ceux de l'histoire d'amour naissante entre Iris et son avoué Max ainsi que quelques anecdotes d'enfance de la narratrice. Le reste est vide et dénué d'intérêt. Pour exemple, on nous parle tout le long du roman du décès à 16 ans de la cousine d'Iris dont on n'apprend la cause que dans les dernières pages. A son image, la plupart des intrigues sont inachevées.

Dommage, ce livre avait tout pour me plaire sur le papier. Décevant. Extrêmement décevant.



Lettre "H" - le 07/05/2016

 

Monsieur Ki - Koffi Kwahulé

Monsieur_Ki_de_Koffi_KwahuleGENRE : Roman
ANNÉE : 2010

PAYS : te-d'Ivoire
NOMBRE DE PAGES : 160

Résumé :   

« Toujours est-il que je ne me sens à l'aise qu'avec les Blancs racistes ; avec eux je suis confiant, je sais à quoi m'en tenir, je sais où je mets les pieds. Tout de suite je me dis : « Voilà un Blanc. » En revanche, je me méfie de ceux qui ont un ami sénégalais ou camerounais, les Monsieur-moi-je-connais-bienles-Noirs, les Monsieur-moi-j'ai-passé-vingt-ans-en-Afrique, qui n'écoutent que Miles Davis ou Tiken Jah Fakoly, qui ne jurent que par la spontanéité et l'élégance naturelle des nègres ; ceux-là je m'en méfie. Ils me foutent mal à l'aise. Je ne mets pas en doute leur sincérité, mais ils me foutent mal à l'aise, c'est tout. « Voici un roman fou qui révèle, plus que les sages, notre monde, au premier, au deuxième, au trentième degré !... ». »
Cent histoires s'enchâssent, mille facettes composent ce roman-mosaïque qui se passe surtout entre Paris et un village africain où règne une désopilante folie. Roman-rhapsodie, Monsieur Ki chante et nous enchante pour caresser à rebrousse-poil notre temps.

Mon avis :  
Un petit roman sans prétention d'un de mes auteurs de théâtre contemporain préférés. J'ai passé un bon moment mais sans plus. Le livre questionne pas mal d'événements récents par ce qu'il nous raconte de l'état « d'étranger », ce que l'on ressent en étant étranger, le manque du pays, l'envie d'y revenir tout en ressentant un véritable attachement au pays « d'accueil » de par ce qu'il nous offre, les rencontres qu'on y a fait, les rapports que l'on y a tissé.
Le style est toujours aussi soigné comme toujours chez Koffi Kwahulé. Des propos qui parfois étonnent mais font sourire. Ou comment questionner les questions d'actualité, pas toujours faciles à aborder et à développer, de manière humoristique.
A mon sens, il s'agit d'un petit roman sympathique à lire si le thème vous intéresse mais beaucoup y verront sans doute un roman sans grand intérêt, qui tourne en rond... Je dirai pour ma part, comme plus haut, un roman « sans prétention » A chacun de se faire son opinion, mais si vous avez un moment, se confronter à cette parole est à mon sens très intéressant.


Lettre "K" - le 07/05/2016

La Horde du Contrevent - Alain Damasio

GENRE : Fantasy
ANNÉE : 2007
PAYS : France
NOMBRE DE PAGES : 702

Résumé :   

Ils sont vingt-trois, forment la trente-quatrième Horde du Contrevent et ont entre vingt-sept et quarante-trois ans. Dans un monde balayé par les vents, ils ont été formés depuis l'enfance dans un seul but : parcourir le monde, d'ouest en est, de l'Aval vers l'Amont, à contre-courant face au vent, à travers la plaine, l'eau et les pics glacés, pour atteindre le mythique Extrême-Amont, la source de tous les vents. Tous différents mais tous unis, ils forment une horde autonome et solidaire, qui avance dans un seul objectif, luttant constamment contre le vent. Profitant du savoir et de l'expérience de huit siècles d'échecs, on la dit la meilleure et l'ultime Horde, celle qui atteindra enfin l’Extrême-Amont.

Mon avis :
J'avais longtemps entendu parler de ce roman en des termes élogieux mais le fantasy n'étant pas trop mon dada, j'ai toujours reculé. Puis j'ai sauté. Sauté dans le grand sens du terme. J'ai plongé dans ce roman la tête la première. Le meilleur terme je pense serais : je l'ai dévoré. Moi qui ne lit jamais très vite, j'ai pris un plaisir incroyable à lire ce livre. 
L'auteur a su créer un monde et des personnages qui nous rendent accros. J'attendais chaque jour avec impatience le moment où j'allais me replonger dans les aventures de la horde, avançant avec eux, souffrant avec eux, pleurant leurs pertes, leurs morts... On vit au rythme de leurs aventures comme s'ils faisaient partie de notre famille. Peu de romans ont cette force-là et encore moins les romans de fantasy, si éloignés de notre quotidien.
Et pourtant celui-ci y parvient parfaitement. L'idée de départ, déjà, ce questionnement originel : « D'où vient le vent ? », si proche de nos questionnements d'enfant, ne peut que nous happer. Et cette magistrale idée de faire parler l'ensemble des personnages de la horde, de faire circuler la narration. On aurait pu s'attendre à quelques lourdeurs avec ce système mais pas du tout, bien au contraire, on vit les sensations, les émotions de chaque personnage au sein de la horde et c'est extrêmement plaisant, extrêmement vivant. L'idée somptueuse de rajouter un marque-page avec les symboles ajoute au génie : nul besoin de revenir sans cesse au début du roman pour savoir qui parle. Le seul bémol de ce système pour moi c'est que la parole circule généralement entre les quatre ou cinq protagonistes principaux. Certains personnages ne parlent pas souvent, voire même pas du tout et c'est bien dommage...
Ma seule déception aura été la fin du roman, attendue des centaines de pages en amont. Dommage pour l'auteur d'avoir grillé certaines de ses belles cartouches.

Un livre à dévorer, qui questionne étrangement notre quotidien, notre vie de tous les jours. Pour un roman de fantasy, c'est un exploit ! Courez-y, même si vous n'êtes pas adeptes du genre. Faites attention cependant, ce livre pourrait bien vous rendre accro au genre :)


Lettre "D" - le 07/05/2016


samedi 5 mars 2016

Trois chevaux - Erri de Luca

GENRE : Roman
ANNÉE : 2000
PAYS : Italie
NOMBRE DE PAGES : 139

Résumé :   

Le narrateur, un Italien émigré en Argentine par amour, rentre au pays. En Argentine, sa femme a payé de sa vie leur combat contre la dictature militaire. Lui, le rescapé, a appris que la vie d'un homme durait autant que celle de trois chevaux. Il a déjà enterré le premier, en quittant l'Argentine. Il travaille comme jardinier et mène une vie solitaire lorsqu'il rencontre Làila dont il tombe amoureux. Il prend alors conscience que sa deuxième vie touche aussi à sa fin, et que le temps des adieux est révolu pour lui.

Mon avis :
Difficile de parler de ce livre. Je n'ai pas écrit ma critique tout de suite car j'avais besoin de temps pour y réfléchir, savoir ce que je pouvais en dire, ce que j'avais pu ressentir à la lecture. Et ce ressenti est relativement multiple.

J'ai été tout d'abord dérouté, pour ne pas dire désarçonné, par l'écriture d'Erri de Luca. En tant qu'amateur de poésie, je ne peux qu'applaudir à ce phrasé et à ces rythmes, subtils et doux, sublimes et puissants. Seulement, cette écriture particulière, bien que plaisante prise à part, dans un poème par exemple, a représenté pour moi un véritable calvaire à la lecture pour un roman de ce genre, me forçant à relire certains passages à plusieurs reprises pour en comprendre le sens profond, qui n'est d'ailleurs parfois jamais venu. Je me suis parfois fait la réflexion que l'auteur écrivait pour lui-même, sur la base de concepts très personnels et parfois difficiles d'accès, à moins d'avoir la clé de son esprit, et donc sans doute, de son écriture.

Malgré cela, j'ai été très touché par les thèmes abordés. Les magnifiques moments de poésie quand le narrateur s'occupe de son jardin et partage des moments avec les personnages qui le peuplent, avec les arbres qui l'habitent, avec les plantes qui le recouvrent. Des moments intenses et sublimes. Touché également par cette fin, cette prise de conscience de la fin de sa vie, la beauté de son amour intense qui ne sera, malheureusement, jamais porté à son terme...

Pour conclure, je dirai que j'ai trouvé ce livre assez difficile d'accès mais qu'il mérite malgré tout le détour, pour ces sublimes moments où l'écriture d'Erri de Luca, par sa beauté, côtoie la grâce de près. C'est pour celle seule raison que j'aurai le plaisir de relire prochainement un livre de cet auteur.


Lettre "L"- le 05/03/2016

 

dimanche 17 janvier 2016

Jézabel - Irène Némirovsky

GENRE : Roman
ANNÉE : 1936
PAYS : Ukraine
NOMBRE DE PAGES : 266

Résumé :   

Dans la salle d'un tribunal, se tient le procès d'une femme. Elle n'est plus très jeune, mais elle a été très belle. Les témoins défilent à la barre, l'avocat et le procureur s'affrontent. Assise dans le box des accusés, elle subit par bribes le récit de sa propre vie : l'enfance, l'exil, l'absence de père, le mariage, les relations houleuses avec sa fille, l'âge, le déclin, jusqu'à l'acte irréparable. Les jurés et le public grondent, s'enflamment. Mais le vrai coupable est-il l'accusée, ou le temps, qui détruit les illusions ?

Mon avis :
On entre directement dans le vif du sujet dès le départ, plongés au cœur du procès de cette soixantenaire de la haute société. J'ai relativement bien apprécié cette première partie, qui sert malheureusement seulement de prélude. Seuls quelques petits éléments de langage m'ont dérangé, le juge s'adressant à tous les témoins en les appelant "Témoin" et à l'accusée en l'appelant "Accusée"... Mais ce ne sont que des détails. On entre facilement dans ce récit qui se laisse lire avec plaisir, page après page.

Puis, soudain, après soixante pages, on ne comprend pas trop ce qu'il nous arrive. Nous sommes plongés dans le passé, plus de quarante ans auparavant, et voilà que l'auteur nous propose de revivre la vie de cette femme pour comprendre comment Gladys Eysenach, jeune fille née dans la misère et qui s'est retrouvée propulsée dans son adolescence au sein même de la haute bourgeoisie, dont elle ne connaît tout d'abord pas les codes, a pu en arriver à tuer un jeune homme de vingt ans... Alors que je m'attendais à poursuivre sur cette belle lancée, je trouve que le roman prend à cet instant une tournure facile et dérangeante, et tombe facilement dans un creux d'ennui assez puissant. J'hésite à arrêter ma lecture à plusieurs reprises mais je tiens bon.

Je suis d'autant plus frustré que le sujet principal du roman, cette recherche incessante de la perfection, de la beauté, cette course effrénée contre le temps qui ravage les traits, me semble d'un intérêt certain, et d'une criante actualité. Mais il est traité de manière beaucoup trop caricaturale, le personnage principal n'ayant que cette idée en tête à chaque détour de page, n'hésitant pas à sacrifier le bonheur de sa fille pour conserver sa beauté...

Dans un troisième temps, le livre reprend un bon rythme, assez plaisant. Je me remets à lire avec envie. Mais c'était sans compter sur une fin que l'on voit arriver 50 pages avant. J'espère me tromper, ou découvrir à la fin une surprise, un retournement de situation inattendu mais non... Rien de plus que ce que je m'étais imaginé. Décevant... On ne reviendra même pas au procès du départ et à ses suites...

Pour conclure, un livre avec des moments plaisants, d'autres moins. Un résultat au final assez décevant pour l'auteur de Suite française, dont j'attendais beaucoup mieux. Une écriture parfois soutenue qui demande un véritable effort de concentration. Certains aimeront sans doute. A lire si ma critique ne vous a pas effrayé ;)



Lettre "N" - le 17/01/2016

 

samedi 9 janvier 2016

Le passe-muraille - Marcel Aymé

GENRE : Recueil de nouvelles
ANNÉE : 1943
PAYS : France
NOMBRE DE PAGES : 222

Résumé :   

* Le Passe-muraille met en scène « un excellent homme nommé Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé. Il portait un binocle, une petite barbiche noire, et il était employé de troisième classe au ministère de l'Enregistrement. » Type même du petit bonhomme falot, gris invisible, Monsieur Dutilleul va connaître des aventures parfaitement ahurissantes grâce à son don incroyable...  
* Les Sabines : Une femme, ayant le don d'ubiquité, se multiplie autant de fois qu'elle le souhaite et vit, grâce à ce don, tout un tas d'aventures à travers le monde...
* La Carte : La nouvelle est écrite sous la forme d'un journal intime, celui d'un écrivain qui découvre avec stupeur que désormais, d'après un décret du gouvernement, le temps de vie sera rationné pour économiser les vivres. Chaque catégorie de population se voit allouer un certain nombre de jours par mois selon son degré d'utilité ; les citoyens jugés indignes de vivre normalement reçoivent une carte munie de coupons, un par jour de vie. Les vieillards ne disposent que d'une semaine, les artistes de deux, au grand scandale de l'écrivain. Très vite, un trafic de tickets se met en place qui pourrait bien modifier le temps...
* Le Décret : « Grâce à Dieu, lorsque, par la vertu d'un décret, le monde eut vieilli tout à coup de dix-sept années, il se trouva que la guerre était finie ».
* Le Proverbe : Lucien Jacotin, un élève de 13 ans, est classé depuis toujours parmi les cancres de sa classe. Un soir, pendant le dîner, il se souvient qu'il a oublié de faire son devoir de français. Son père, furieux, décide de faire le devoir à la place de son fils...
* Légende poldève : Dans la ville de Cstwertskt, la demoiselle Marichella Borboïé, une bigote scrupuleuse, élève avec générosité son neveu Bobislas, un bon à rien qui va se révéler voleur, ivrogne et de mauvaise compagnie. Mais il se trouve que le pays Poldève est en perpétuelle bisbille avec le pays Molleton. La guerre éclatant entre les deux pays, l'abominable Bobislas est recruté parmi les soldats au grand soulagement des gens du village et de sa tante qui s'en croit débarrassée. Mais c'était sans compter sur l'intervention de la grande faucheuse...
* Le Percepteur d'épouses : « Il y avait dans la petite ville de Nangicourt, un percepteur nommé Gauthier-Lenoir, qui avait du mal à payer ses impôts. Sa femme dépensait beaucoup d'argent. » Après la fuite de Mme Gauthier-Lenoir avec un lieutenant des équipages, le mari s'imagine que sa femme a été saisie par le fisc... * Les Bottes de sept lieues : À Montmartre, une bande de six écoliers se retrouve devant la vitrine d'un bric à brac où sont exposées des bottes avec une petite pancarte : Bottes de sept lieues...
* L'huissier : Malicorne, un huissier de justice, membre du Ministère, n'est pas un homme excellent, mais il n'est pas pour autant mauvais. Il meurt pendant son sommeil. Arrivé au ciel, il est jugé, et on décide qu'on ne peut pas le laisser aller ni au paradis, ni en enfer. On l'envoie donc sur Terre de nouveau, pour qu'il fasse une bonne action qui lui permettra de se rattraper et d'aller au paradis. Malicorne parviendra-t-il à se faire ouvrir les portes du Paradis ?
* En attendant : « Pendant la guerre 1939-1972, il y avait à Montmartre, à la porte d'une épicerie de la rue Caulaincourt, une queue de quatorze personnes ». Pour passer le temps, elles évoquent leur vie difficile pendant la guerre.

Mon avis :
Des nouvelles assez inégales mais toutes empruntes d'un fantastique proche de la réalité.
Aymé fait planer sur l'ensemble de ces nouvelles le spectre de la guerre qui nous donne cette double vision : un monde fantastique au sein de notre propre monde, ce qui nous amène plus facilement à nous poser des questions sur ce fantastique, pas si fantastique que ça... On se délecte de mots inusités aujourd'hui et qui font sourire. On apprécie l'imaginaire foisonnant de l'auteur.

J'ai beaucoup apprécié certaines nouvelles comme Les Sabines, La Carte ou Le Décret qui décrivent des situations farfelues mais qui questionnent justement des éventualités en poussant le vice jusqu'à l'extrême. Comment cela se passerait-il si un être humain était doté du don d'ubiquité et se mariait plusieurs milliers de fois, partout à travers le monde ?
Que se passerait-il si le gouvernement décidait que certaines personnes ne méritent pas de vivre trente jours par mois ? Un trafic de tickets s'organiserait sans doute pour vivre plus longtemps...
Que se passerait-il si un décret entérinait un bon dans le temps de 17 ans ?

Suite aux quatre premières nouvelles, j'ai été relativement déçu par les suivantes, bien en dessous à mon goût. Seule la dernière, En attendant, a trouvé un véritable intérêt à mes yeux, racontant la vie parisienne en 1943, au plein cœur de la guerre.



Lettre "A" - le 09/01/2016



samedi 2 janvier 2016

Où on va, papa ? - Jean-Louis Fournier

GENRE : Récit biographique
ANNÉE : 2008
PAYS : France
NOMBRE DE PAGES : 155

Résumé :   

« Cher Mathieu, cher Thomas,
Quand vous étiez petits, j'ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
Je ne l'ai jamais fait. Ce n'était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu'à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures...
»
Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi? J'avais honte? Peur qu'on me plaigne?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible:
« Qu'est-ce qu'ils font? » 
Aujourd'hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d'une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d'enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait: rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines.


Mon avis :  
Difficile... Très difficile de commenter ce récit. Je suis extrêmement partagé.
Comme on peut le deviner dans le résumé, le ton est extrêmement corrosif là où l'on s'attendrait à un ton plus compatissant. Les termes sont durs, violents. Le sujet est souvent traité avec humour, un humour noir poussé parfois à son paroxysme. J'ai été quelque peu désorienté, en particulier au début. J'en suis venu à me demander si cette autobiographie ne tient pas plutôt du roman, si l'auteur n'a pas poussé le vice de son récit quelque peu trop loin...

Page 47, Jean-Louis Fournier nous donne l'indice qu'il nous manquait : « Tu n'as pas honte, Jean-Louis, toi, leur père, de te moquer de deux petits mioches qui ne peuvent même pas se défendre ? Non. Ça n'empêche pas les sentiments. »
Plus on poursuit la lecture, plus on déchiffre l'émotion derrière la colère, derrière l'humour, et plus le propos se fait clair. Je lis un récit emprunt de vérité, ne revêtant aucun fard, aucune cachotterie. Tout est dit. La vie d'un père d'enfants handicapés avec tout ce que cela comporte. Avec les questions qu'on se pose sans cesse, avec les émotions qu'on ne laisse pas sortir, avec les idées malsaines qui passent par la tête...

Un livre avec beaucoup de redites, de répétitions, de passages d'une idée à une autre, du coq à l'âne, comme si parfois, l'auteur tournait en rond. Un critère de plus pour valider la véracité des propos. Pour valider, surtout, la posée des tripes d'un père sur sa table d'écriture.

Un livre à lire, bien sûr. Et à compléter par les informations et les photos de la maman sur son site : http://mamanmathieuetthomas.monsite-orange.fr. Une pensée pour Mathieu et Thomas, deux petites flammes.

Extrait :
« [...] On aurait bien voulu le défendre [Mathieu] contre le sort qui s'était acharné sur lui. Le plus terrible, c'est qu'on ne pouvait rien. On ne pouvait même pas le consoler, lui dire qu'on l'aimait comme il était, on nous avait dit qu'il était sourd.
Quand je pense que je suis l'auteur de ses jours, des jours terribles qu'il a passés sur Terre, que c'est moi qui l'ai fait venir, j'ai envie de lui demander pardon. » (p.18-19)



Lettre "F" - le 02/01/2016