jeudi 27 février 2014

La femme sous l'horizon - Yann Queffélec

GENRE : Roman
ANNÉE :1988

PAYS : France
NOMBRE DE PAGES : 246

Résumé :   

Au cœur froid de la Lorraine, dans un manoir russe, vit un étrange clan: les Tarassévitch.
La petite Ilinka, privée de sa mère, qui est morte dans un accident, ne connaît là que silence et indifférence.
Pourquoi tant de mystères autour de sa naissance ? Au village on sait. Mais on se tait. On a juré.
Jusqu'au jour où Ilinka reçoit un signe du destin une lettre de sa mère, des mots vieux de treize ans. Un avertissement, une prémonition. Elle doit fuir à tout prix le manoir et sa malédiction…


Mon avis :  

Du Queffélec pur jus. De l'abandon, de la solitude, de la souffrance, de la violence, de la difficulté à se construire, de l'inceste.

Mais tout ce cocktail, qui fonctionnait merveilleusement dans Les Noces barbares, ici ne prend pas. En cause sans doute en premier lieu la situation de l'histoire, les lieux décrits et les personnages caricaturaux au possible : la grand-mère sanguinaire, méchante, sorcière parmi les sorcières, le père devenu alcoolique par tristesse, noyant son chagrin, dur, violent parmi les violents, la sœur aînée, laide, parfois réconfortante, difficile à vivre, peste parmi les pestes, l'oncle rédempteur, le sauveur... Tout ce petit monde est d'entrée de jeu présenté sous ces aspects, vivant dans un manoir infâme aux abords d'une forêt d'Alsace si bien que, faute extrême de l'auteur à mon sens, on semble se retrouver plongé dans un roman fantastique digne de Dracula ou de Frankenstein.

Or, le propos est bien différent de celui-ci, les bases d'écriture ne me semblent pas être les bonnes, on touche à une réelle situation familiale dramatique, difficile et ce lien étrange entre réalité et fantastique surprend, déroute. Je n'ai pas réussi personnellement à sortir de cette première vision, cette première image mentale avec un personnage principal en comte Dracula, et la lecture a coulé de telle sorte que les événements dramatiques de l'histoire ne m'ont même pas touché, je suis resté complètement extérieur à l'histoire tragique familiale, comme dans tout roman fantastique où le décor prime sur les sentiments.

Ceci s'explique sans doute parce que cette description initiale, ce côté fantastique, ce manoir semblant tout droit issu des tréfonds de la campagne slave, m'a beaucoup plu. J'ai aimé l'univers dans lequel l'auteur m'a plongé dès la première page et la déception en a été d'autant plus grande quand j'ai réalisé et compris la férocité et la violence du fond. L'univers est là, vraiment plaisant, dans lequel je navigue avec plaisir, mais le reste n'y est pas. Le secret de famille n'en est un que pour la pauvre Ilinka, la fin est clairement attendue, sans surprise...

Bref, le décor y est, le texte et l'écriture sont là, il manque juste de "vrais" personnages moins caricaturaux pour peupler cette histoire et une logique globale d'écriture (sommes-nous dans un roman fantastique ou réaliste ?), un peu de suspense aussi.

J'ai donc aimé, n'ai jamais souhaité à aucun moment arrêter le livre en cours de route, mais je ne le relirai pas, contrairement aux Noces barbares, bien plus abouti à mon sens.


Lettre "Q" - le 27/02/2014

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mercredi 12 février 2014

Douze Hommes en colère - Reginald Rose

GENRE : Théâtre
ANNÉE :1953

PAYS : États-Unis
NOMBRE DE PAGES :100


Résumé :   

Douze jurés se réunissent pour débattre à l'issue d'un procès dont l'accusé est un adolescent de seize ans inculpé pour parricide. Les preuves manquent et il clame son innocence. Mais les témoignages sont graves, précis et concordants. S'il est reconnu coupable, le jeune homme sera condamné à mort. Onze jurés sur douze votent "coupable". Un seul s'oppose à ce verdict, explique son veto, analyse les témoignages et décortique les contradictions. Peu à peu le doute gagne les esprits et abolit les certitudes...

Mon avis :  
Une sublime leçon de démocratie et de vie, tout simplement. Ou comment un homme, incertain de la culpabilité d'un accusé, vote "non coupable", car, comme nous le savons tous, le doute doit profiter à l'accusé. L'une des règles d'un tribunal parmi les plus bafouées aujourd'hui, les jurés préférant souvent, dans le doute, donner une peine moins lourde que celle demandée, que de simplement voter "non coupable", ce qu'ils devraient pourtant faire ! Certes, pour avoir assister à un procès, je peux vous dire que rien ne les y encourage, le magistrat se bornant seulement à le mentionner une fois vaguement à l'appel des jurés, et n'hésitant parfois pas lui-même à passer outre certaines des règles du tribunal dont une autre primordiale à mes yeux, la présomption d'innocence. Cela n'est sans doute pas vrai pour tous les tribunaux, mais je ne fais que revenir sur ma propre expérience... Et je m'égare.

Pour revenir au livre, pour toutes ces raisons, il est pour moi une oeuvre à mettre entre les mains de tout citoyen. 100 pages, lues en une heure à peine, ça ne me paraît pas insurmontable. C'est véritablement une belle leçon et un beau rappel pour tout citoyen de ce monde. Le témoignage ne vaut pas preuve. Dix témoignages concordants ne valent pas preuve. Il est extrêmement amusant de voir comment ce juré, au départ seul contre tous, arrive à démonter peu à peu chaque argument de l'accusation dans un procès où, disons-le tout net, la plupart d'entre nous aurait envoyé l'homme à la guillotine. On s'aperçoit très rapidement que des failles existent bel et bien, que la vérité n'est pas forcément celle qui a été livrée. De quoi vraiment faire réfléchir. Sans vouloir trahir de secret, 11 hommes vont tout de même changer d'avis suite à ces arguments déroutants et je pense que beaucoup l'auraient fait. A méditer...

La lecture qui pourrait faire peur de prime abord, avec ces 12 personnages, chacun d'un âge et d'une profession différente, avec un caractère différent, n'est finalement qu'une partie de plaisir. Chaque personnage est clairement défini dans le livre, chacun a sa personnalité, sa façon d'être, du président du jury au footballeur devant être rentré pour le match du soir, en passant par le juré insultant... Si bien que la liste des personnages en première page est très vite un vieux souvenir et que nous rentrons dans l'histoire sans en avoir besoin bien longtemps. 


Un livre à mettre vraiment entre toutes les mains car simple et rapide à lire mais surtout entraînant une importante réflexion sur la démocratie, le respect des règles et des hommes, de son prochain, victime ou accusé. Aimer son prochain comme soi-même, quel qu'il puisse être. Certains diront facile à dire... 

Et n'oubliez pas, le doute doit toujours profiter à l'accusé. C'est un principe démocratique qui n'a pas été inventé par hasard.


Lettre "R" - le 12/02/2014
 
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dimanche 2 février 2014

Les Armoires vides - Annie Ernaux

GENRE : Autobiographie
ANNÉE : 1974

PAYS : France
NOMBRE DE PAGES : 182


Résumé :   

Denise Lesur a vingt ans. Enceinte jusqu'aux dents, elle se rend chez la faiseuse d'ange pour avorter. Ses parents, tenanciers d'un café-épicerie ne l'accepteraient pas, la traiterait de « carne », de mauvaise fille. Cet avortement est alors prétexte a un retour dans le passé, dans une enfance et une adolescence difficiles, marquées par la honte de ses parents, de son milieu social et la volonté, toujours plus grande, de s'élever.
Un roman âpre, pulpeux, celui d'une déchirure sociale.

Mon avis :  
Premier roman d'Annie Ernaux et pas des moindres ! J'ai passé un excellent moment de lecture en compagnie de cette jeune fille, perdue, qui cherche par tous les moyens à s'extirper de sa malheureuse vie de fille d'épiciers-cafetiers, de s'évader. La honte se fait de plus en plus tenace, l'envie de s'élever socialement et d'envoyer bouler cette triste vie faite de clients saoûls, de parents expéditifs, pressés, de repas pris sous les yeux des clients, de railleries des camarades de classe... La petite échoppe de la rue Clopart n'a pas bonne presse auprès des jeunes gens de l'école, ce qui est prétexte aux railleries diverses, enfants mais aussi enseignants. La petite Ninise est cataloguée, rejetée. Sa revanche arrive alors : elle va se battre et s'élever. Peu à peu, elle se met à « rentrer dans le moule ». Première de la classe, elle se met à détester le café-épicerie, ses parents, son milieu social.

L'écriture est parfaite. Simple mais claire. Beaucoup de répétitions, de retours au même sujet mais toujours d'une manière différente nous permettant ainsi de ne pas se lasser et de suivre la déchirure sociale que vit cette jeune fille de l'intérieur, ressassant sans fin les contours de sa vie. On est sincèrement touché par cette histoire et comment ne pourrait-on pas l'être ? Cette force de l'écriture et du récit que possèdent Annie Ernaux, qui évoque sa propre enfance et ses propres souvenirs, ne peut que nous toucher.

De magnifiques moments également d'évasion, de pensées folles, de rêveries et désirs d'enfant comme je les affectionne tout particulièrement, qui font sourire, peuvent émouvoir et dont suivra ci-après un extrait. Et la sublime façon qu'a Annie Ernaux, tout en finesse, de nous faire passer d'une enfant heureuse à une adolescente frustrée, honteuse, dure, passée par le prisme de l'école.

Je recommande ce livre à tous les amateurs de récit (tout est écrit d'un seul bloc) et d'autobiographie. On est réellement emporté. Et on ne décroche qu'au dernier mot, repu, joyeux et triste tout à la fois.

Bonne lecture à vous. Voici un extrait qui m'a fait sourire et ému. :
« L'église, je n'ai jamais vu de plus belle maison, plus propre. Si on pouvait y manger, y dormir, y rester tout le temps, faire pipi. On aurait chacun un grand banc pour s'étendre, on ferait du vélo dans les allées, on jouerait à cache-cache derrière les colonnes. Il n'y aurait que des copines et des garçons en robe blanche qui nous habilleraient, nous donneraient à manger, s'allongeraient près de nous... »



Lettre "E" - le 02/02/2014

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